Communiqué / Alerte presse
Le lac Dziani Dzaha, un laboratoire naturel témoin d’un monde vivant perdu
Depuis plusieurs années, une équipe de scientifique de l’Université Claude Bernard Lyon 1, du CNRS et de l’INSA Lyon s’intéresse au lac Dziani Dzaha en raison de son écosystème unique. Véritable laboratoire naturel, il s’agit d’un lieu privilégié pour étudier les archées (Archaea), des micro-organismes probablement à l’origine des eucaryotes. À partir de prélèvements dans le lac, les scientifiques ont reconstruit 14 génomes d’un groupe d’archées, les Woesearchaeota, révélant des stratégies d’adaptation fortement dépendantes des conditions extrêmes de cet environnement. Les résultats sont publiés dans la revue Microbiome.
Situé sur l’île de Petite-Terre, à Mayotte dans l’archipel des Comores (Océan Indien), le lac Dziani Dzaha se détache par son vert émeraude sans commune mesure, dont s’échappent des émanations gazeuses. Si les légendes mahoraises prétendent que le lac est peuplé de petits êtres malicieux - des Djinns -, cet écosystème extrême héberge surtout un monde microbien unique, vestige d’un monde perdu. En effet, les caractéristiques géochimiques, physico-chimiques et biologiques du lac en font un milieu extrême analogue des océans anciens.
Parmi les milliers d’espèces de micro-organismes capables de vivre dans cet écosystème extrême, une équipe de scientifiques du laboratoire Microbiologie, Adaptation, Pathogénie (MAP – CNRS/INSA Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1)[1] étudie un groupe longtemps passé sous les radars : les Woesearchaeota. Très abondants au sein du lac Dziani Dzaha, ils sont un embranchement des archées, un groupe que l’on sait aujourd’hui probablement à l’origine des eucaryotes.
Les archées constituent un réservoir de gènes important afin de mieux comprendre les mécanismes d’adaptation que la biodiversité met en jeu pour répondre à des contraintes environnementales fortes. Un enjeu clé dans un contexte de changement climatique. Pourtant, les scientifiques sont actuellement incapables de cultiver la majorité d’entre elles en laboratoire. À ce titre, le lac Dziani Dzaha constitue un laboratoire naturel inédit pour les étudier.
À partir d’échantillons d’eau du lac, les scientifiques ont reconstruit 14 génomes de Woesearchaeota, dont certaines semblent être endémiques du lac. Ils ont ainsi étudié en détail l’expression de leurs gènes en fonction de la profondeur du lac (jusqu’à 18m). Leurs résultats révèlent des comportements différents en fonction des groupes phylogénétiques de Woesearchaeota, remettant en cause les préceptes actuels d’un mode de vie unique à toutes les Woesearchaeota. Cette découverte remarquable démontre un degré de complexité inattendu chez ces archées, qui pourrait refléter une perception avancée de leur environnement, avec des stratégies écologiques différentes selon les conditions environnementales.
Ces travaux démontrent l’importance de considérer le comportement des populations microbiennes dans l’environnement à différents niveaux, pour appréhender leur capacité à s’adapter aux changements environnementaux, y compris dans les milieux les plus extrêmes. Une question d’actualité pour anticiper l’évolution des écosystèmes confrontés au changement climatique actuel.
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[1] Le programme financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR, MARWEL, 21-CE20-0049), et conduit par Mylène Hugoni (Maîtresse de conférences à l’Université Claude Bernard Lyon 1), réunit un consortium pluridisciplinaire de scientifiques d’horizons disciplinaires différents, allant de la microbiologie, la phylogénie, à la géochimie.
Publié le 29 novembre 2024